Faguo, marque engagée ou greenwashing ?
Bonjour et bienvenue à tous dans cette nouvelle édition.
Conscientes de l’intérêt grandissant des consommateurs dans l’engagement éco-responsable, de nombreuses marques de mode se définissent comme tel, tandis que la réalité est tout autre.
Mon objectif au travers de cette nouvelle édition ? Vous accompagnez dans le développement de votre analyse critique du greenwashing.
Faguo, marque engagée ou greenwashing ?
Ce mois-ci, j’analyse avec vous la politique RSE de la marque de prêt-à-porter, Faguo.
La politique RSE de Faguo est-elle en accord avec les défis dont fait face l’industrie de la mode aujourd’hui ? La communication de la marque est-elle en adéquation avec la promesse qu’elle propose ?
Les défis de l’industrie de la mode aujourd’hui :
Ce n’est plus un secret pour personne : la mode, ça pollue. L’urgence climatique n’est plus à démontrer et de nombreux consommateurs de mode en sont bien conscients. Ce secteur fait face à de nouveaux défis et doit repenser son modèle pour espérer, un jour, tendre vers plus de durabilité.
Les quatre grands défis du secteur de la mode :
La surproduction,
La surconsommation,
L’impact environnemental des transports,
Les conditions de travail des ouvriers.
La politique RSE Faguo :
Créée en 2009 par Nicolas ROHR et Frederic MUGNIER, Faguo s’est construite autour d’un constat simple : le secteur de la mode à un impact négatif fort sur notre planète car produire des vêtements émet des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Pour empêcher un tel impact, il faut (ré)apprendre à produire et consommer différemment.
Société à mission et membre du club très fermé des Bcorp, Faguo s'est donnée pour mission d’ “Engager notre génération contre le dérèglement climatique”.
Cinq engagements ont été mis en place pour répondre à cette problématique :
Mesurer les émissions de CO2 de la marque,
les réduire,
les compenser,
accompagner les clients,
être transparent.
Mon analyse se divisera en trois blocs : La gestion des émissions de CO2 de la marque, son accompagnement des clients et sa politique de transparence.
Partie 1 : La politique RSE de Faguo est-elle en accord avec les défis dont fait face l’industrie de la mode aujourd’hui ?
1. La gestion des émissions de CO2 de la marque :
Afin de réduire son empreinte carbone, Faguo a mis en place une stratégie permettant de mieux gérer ses émissions de CO2. Cette gestion se divise en trois pôle :
Mesurer :
Avant de mettre en place des quelconques plans d’action pour réduire ses émissions, il est avant tout essentiel de connaître ses différentes sources d’émissions de CO2. C’est là que les “bilans carbones” interviennent. Ces bilans, réalisés par la Fondation Goodplanet, prennent en compte toutes les émissions directes et indirectes de Faguo
Ils ont été réalisés en 2010, 2015 et 2020. Le prochain sera réalisé en 2023.
Les résultats obtenus entre 2015 & 2020 sont déjà très encourageants :
-18% de CO2 par pièces moyenne Faguo en 5 ans.
-33% de CO2 par salarié, soit 22 tonnes de moins par salarié en 5 ans.
-17% de CO2 par millions d’euros de chiffre d’affaire en 5 ans.
Afin de pousser plus loin ses recherches, la marque a également mis en place une “Analyse du Cycle de Vie” (ACV) de ses produits. Ainsi, “ les ACV permettent de retracer précisément l’impact d’un produit du début à sa fin de vie et en fonction de sa durée de vie sur une multitude d’indicateurs : le dérèglement climatique, l’épuisement des ressources, l’eutrophisation des eaux…”
Réduire :
Suite aux différents bilans carbones, il a été établi que les matières premières sont les sources principales d’émission de Faguo (68%)1.
Afin de répondre à cette problématique, 80% des pièces Faguo sont conçues à partir de matières recyclées (cuir recyclé, coton recyclé, polyester recyclé,…).
Faguo recycle également « pré Consommation » en revalorisant les chutes de matières premières, et « post Consommation » avec la mise en place de bornes de recyclage dans ses boutiques.
La marque a également mis en place d’autres actions pour réduire ses émissions de CO2. À l’échelle de la production d’abord :
La réduction de transports routiers ou aériens,
L’utilisation d’énergies 100% renouvelables,
La mise en place d’emballages recyclés et recyclables,
Des boutiques repensées afin d’émettre moins de CO2,
Mais aussi à une échelle plus humaine, celle des employés :
Un repas végétarien par semaine,
Tri des déchets,
Transports en commun, marche, vélo et voiture de fonction hybride ou électrique,
…
Compenser :
Afin de compenser ses sources d’émissions qui ne pourraient pas être réduites, Faguo s’engage à planter un arbre pour chaque pièce confectionnée. Aujourd’hui, 300 Forêts Faguo de près de 2 millions d’arbres poussent en France.
La marque est accompagnée par un acteur national, implanté depuis une cinquantaine d'années en France : NAUDET Pépinières, une entreprise responsable qui accompagne les entreprises engagée pour l’environnement au travers de projets de compensation volontaire.
Mon analyse :
Faguo a fait de la gestion de ses émissions de CO2 son “business plan environnemental”. La marque s’investit dans la mesure, la réduction et la compensation des émissions de CO2, mais ne semble pas encore se pencher sur les grands enjeux du secteur de la mode : pollution des eaux, micro-plastiques, utilisation de matières européennes, conditions de fabrication, re-localisation, etc...
La marque utilise des matières éco-responsables avec notamment des matières recyclées. En revanche, le pourcentage de ces matières ne dépasse que très rarement les 50% de la composition finale. Le coton conventionnel est par ailleurs très régulièrement utilisé. Par ailleurs, il est mentionné que 80% des produits font appel à des matériaux recyclés, qu’en est-il des 20% restants ?
On peut en revanche féliciter les multiples actions déjà mises en place, faisant ainsi de Faguo, une marque de mode précurseur, dans la prise en considération de l’environnement dans sa stratégie d’entreprise.
2. L’accompagnement des clients :
Comme exposé précédemment, Faguo s’est donné comme mission principale d’ “Engager notre génération contre le dérèglement climatique”. Ainsi, au-delà des différentes actions qu’ils mènent à l’échelle de leur entreprise, c’est un appel au consommateur qu’ils passent, afin de les inviter à consommer différemment à plus petite échelle.
C’est donc tout naturellement que Faguo a mis en place de multiples initiatives pour sensibiliser et accompagner ses clients vers une mode plus responsable. Par exemple, les boutiques physiques reprennent les vêtements Faguo qui ne sont plus portés en échange d’un bon d’achat (jusqu’à 20% de sa valeur initiale). Si leur état ne permet pas cet échange, des bornes de recyclage sont également mises à disposition.
Afin d’allonger la durée de vie de ses produits, la marque propose des ateliers de réparation gratuits, deux fois par mois, dans ses boutiques.
Il est également possible d’acheter des sacs de lavage Guppy Friends, en boutique et sur le site. Ces sacs sont une solution à la pollution microplastique due au lavage des vêtements. Ils protègent les vêtements en réduisant la casse de fibres, et retiennent les fibres abîmées.
Enfin, Faguo est à l’initiative d’un mouvement alternatif encourageant une consommation plus raisonnée : le collectif Make Friday Green Again. Pour lutter contre les pratiques de soldes excessives comme le Black Friday, le collectif Make Friday Green Again regroupe des marques refusant de prendre part à cette évènement et sensibilisent les consommateurs à de meilleures pratiques.
Mon analyse :
Faguo semble respecter en tout point la mission inscrite dans ses statuts et met en place de nombreuses actions permettant d’y répondre. À la différence d’une multitude de grandes marques, elle annonce non seulement ses propres engagements, mais met aussi en place des procédés permettant de mobiliser son public. Le consommateur devient consomm’acteur. Seul bémol, la proposition de bons d’achats en échange de vêtements pousse avant tout à la consommation.
Être transparent :
Devenue officiellement et légalement “Entreprise à Mission”, début 2020, Faguo répond annuellement de ses engagements auprès d’un organisme auditeur tiers, certifié COFRAC.
Au delà de ce statut, Faguo dispose également de la certification BCorp. Les entreprises BCorp “agissent dans l'intérêt public général. Elles se définissent par leur conviction qu'une entreprise doit non seulement générer des profits, mais aussi des bienfaits pour la société et l'environnement.” Cette certification s’obtient à la suite d’une évaluation stricte basée sur un questionnaire couvrant l’ensemble des sujets de l’entreprise (employés, fournisseurs, environnement, gouvernance…).
Pour ce qui est de la conception, des ateliers sont sélectionnés selon des standards sociaux et environnementaux élevés, mais aussi selon leurs expertises. Ils se situent au Vietnam, au Portugal, en Chine ou encore au Maroc. La certification BSCI* (Business Social Compliance Initiative) dont ils bénéficient demande un audit régulier. Ainsi, Faguo s’engage à travailler sans intermédiaire avec des ateliers experts. La certification signifie notamment que la marque doit respecter différents prérequis : une rémunération juste, la lutte contre les discriminations et les emplois précaires, la liberté d’association…
Ce choix de sélectionner les ateliers selon leurs savoir-faire et non leur localisation s’appelle le “Made How” (en opposition au “Made In”). Dans le cas de Faguo, les matières premières sont responsables de 68 % des émissions, contre 2 % pour le transport. La marque assume ouvertement les localisations de sa production tout en expliquant vouloir constamment s’améliorer.
Mon analyse :
Les arguments avancés par la marque quant aux lieux de conception de leurs produits sont entendables, mais peuvent paraître trop légers pour certains consommateurs tant l’imaginaire collectif tend à voir d’un mauvais œil les ateliers situés en Asie.
Pourtant, il est important de souligner la complexité d’une production entièrement française. Il faudrait en effet disposer de toutes les matières premières sur le territoire, afin d’éviter un acheminement polluant, mais aussi accepter une hausse des prix dû à un coût de la main d'œuvre plus élevé.
Son statut d’Entreprise à Mission et sa certification BCorp l’engage à la transparence. Les ateliers de confection sont audités et certifiés BSCI. En revanche, aucunes données concernant les résultats de ces audits ne sont disponibles sur le site Web Faguo. Cet audit concerne t-il seulement les ateliers de confections ? Qu’en est-il des fournisseurs de matières premières ? De la filature, le tricotage, le tissage ou l’ennoblissement ?
Trop peu d’informations nous sont fournies, cela ne nous permet pas de vérifier l’exactitude des données.
Partie 2 : La communication de la marque, est-elle en adéquation avec la promesse qu’elle propose ? :
Les réseaux sociaux :
Faguo est actif sur Instagram, Facebook et LinkedIn. Pour chacun de ses réseaux, la marque mentionne ses engagements en faveur de l’environnement : son appartenance à la Bcorp, sa volonté de surveiller ses émissions CO2, sa participation à la plantation d’arbres… En résumé, tout ce qu’on a pu mentionner précédemment.
On retrouve en plus, sur Facebook et LinkedIn, un résumé de ce qu’est l’entreprise Faguo, de sa création à ses actions les plus récentes.
Pour ce qui est des posts relayés, ils sont relativement similaires sur Instagram et Facebook et mettent en avant les nouvelles collections, des looks et des produits tout en accentuant leur méthode de confection, leur soutenabilité et l’impact de la marque sur l’environnement.
Le 15 février, par exemple, on a pu voir une vidéo mettant en avant des nouvelles coupes de jeans, avec la description suivante :
On remarque une vraie volonté de souligner les efforts produits par la marque pour proposer à la vente des produits éthiques. En revanche, les propos avancés peuvent sembler quelque peu abstraits pour certains consommateurs.
De plus, on retrouve, dans une grande majorité de leurs descriptions, la mention “pour chaque jean/paire de chaussures/casquette produit.e/vendu.e, un arbre est planté”. Cette redondance pourrait, à terme, paraître “lourde” aux yeux de l’abonné, voire suspecte.
Sur LinkedIn, on retrouve quelques-unes des publications d’Instagram, mais pas seulement. Sont aussi mises en avant les actions concrètes, réalisées par la marque seule ou avec des partenaires, et les actions récompensées par des prix ou des articles relayés par des médias externes.
Le site internet :
Plus haut, on vous expliquait que Faguo avait tracé cinq axes de travail pour répondre aux enjeux environnementaux actuels. Ces cinq axes, on peut les retrouver dans l’onglet “Mission” du site internet.
Ce qui est frappant, ce sont les détails donnés sur chacun des engagements de la marque. Le statut d’entreprise à mission demande une grande transparence, et c’est ce dont Faguo fait preuve au travers de ces onglets.
On retrouve notamment le livre blanc, le bilan carbone ou encore le rapport de mission, ainsi que les résultats des tests chimiques et mécaniques réalisés sur les produits. Faguo ne se contente donc pas d’avancer des constats bancals et des idées abstraites, mais prouve par des actions concrètes et fait preuve de pédagogie afin d’illustrer au mieux les bienfaits de leurs engagements.
On notera par exemple leur explication détaillée sur la plantation d’arbres, et notamment la notion d’équilibre de la biodiversité. En effet, cette pratique est revendiquée par de nombreux acteurs économiques et fait partie des campagnes de communication pouvant aujourd’hui être considérées comme du greenwashing par les consommateurs. Il arrive même très souvent qu’aucune vérification ne soit réalisée auprès des organismes partenaires et que les arbres en question soient mal plantés ou bien pas du tout.
Ici, ça n’est pas le cas et la marque l’illustre parfaitement puisqu’elle expose les bienfaits de ce geste et la méthode la plus éthique pour le réaliser.
Pour ce qui est des fiches produits, elles sont agrémentées du taux d’émission carbone du produit en question, une fiche entretien afin d’assurer une durabilité maximale, le lieu de conception du produit, et la composition. En revanche, on ne retrouve pas la traçabilité des matériaux utilisés, ni les conditions de traitement de ces derniers (teinture par exemple).
Mon analyse :
La notion de transparence est très bien respectée par l’entreprise, et de nombreux documents, internes comme externes (on pense notamment au documentaire réalisé par Capital il y a quelques années) viennent appuyer leurs dires.
Malheureusement, cette communication reste trop axée sur la plantation d’arbres, et plus globalement la compensation, et pas assez sur la réduction des émissions de CO2, qui est pourtant un axe plus important encore.
À noter aussi une petite incohérence dans le choix de l’expression “émissions de CO2”, le CO2 n’étant pas le seul gaz émis par les procédés industriels. On préférera le terme “Gaz à effet de serre”.
Enfin, on pourrait aussi s’attendre à un élargissement de la transparence et une meilleure traçabilité de la chaîne de conception à l’origine des matériaux et ses différentes méthodes de transformation.
Conclusion :
Faguo est déjà bien avancée dans sa démarche éthique de par sa mission, son statut et ses axes d’action. Elle affiche une direction artistique en harmonie avec ses objectifs et promeut ses leviers responsables.
Les actions mises en place sont alignées avec la mission de l’entreprise “Engager notre génération contre le dérèglement climatique”. Le consommateur est sensibilisé au travers de diverses initiatives et devient consomm’acteur.
Il est également évident que la marque s’investit dans une meilleure gestion de ses émissions de gaz à effet de serre. En revanche, plusieurs zones d’ombres sont encore à souligner. Les produits sont dits “responsables” tandis que le pourcentage de ces matières ne dépassent que très rarement les 50 %. Les arguments concernants le Made In sont quant à eux crédibles.
La communication de la marque concernant ses engagements n’est pas excessive et assez claire. Celle-ci est en revanche encore trop axée sur la plantation d’arbres.
En définitive, on peut totalement considérer que Faguo ne pratique pas le greenwashing et s’engage pour une consommation plus raisonnée et une préservation de l’environnement. Elle respecte tout à fait son objectif principal qui est d’avoir un impact carbone positif. Bien qu’aujourd’hui, la plantation d’arbres ne permet pas de compenser l’ensemble des émissions restantes de la marque. En revanche, il reste de nombreuses démarches à entreprendre avant de pouvoir la considérer comme parfaite en tout point.
Elle doit par exemple commencer à s’investir plus activement dans des secteurs tels que ceux mentionnés précédemment : pollution des eaux, micro-plastiques, utilisation de matières européennes, conditions de fabrication, relocalisation, etc. Et développer une plus grande transparence et traçabilité de sa chaîne de production.
Et vous, qu’en pensez vous ? Faguo, marque engagée ou greenwashing ?
68% d’émissions proviennent des matières premières, 11% d’achat de biens et services, 10% de l’utilisation et du déplacement des clients Faguo, 9% de la vie d’équipe et 2% du transport.