Etam, marque engagée ou greenwashing ?
Bonjour et bienvenue à tous dans cette nouvelle édition.
Conscientes de l’intérêt grandissant des consommateurs dans l’engagement éco-responsable, de nombreuses marques de mode se définissent comme tel, tandis que la réalité est tout autre.
Mon objectif au travers de cette nouvelle édition ? Vous accompagnez dans le développement de votre analyse critique du greenwashing.
Etam, marque engagée ou greenwashing ?
Ce mois-ci, j’analyse avec vous la marque Etam. La politique RSE d’Etam, est-elle en accord avec les défis dont fait face l’industrie de la mode aujourd’hui ? La communication de la marque, est-elle en adéquation avec la promesse qu’elle propose ?
Les défis de l’industrie de la mode aujourd’hui :
Aujourd’hui, ce n’est plus un secret pour personne : la mode, ça pollue. L’urgence climatique n’est plus à démontrer et de nombreux consommateurs de mode en sont bien conscients. Ce secteur fait face à de nouveaux défis et doit repenser son modèle pour espérer, un jour, tendre vers plus de durabilité.
Les quatre grands défis du secteur de la mode :
La surproduction,
La surconsommation,
L’impact environnemental des transports,
Les conditions de travail des ouvriers.
La politique RSE Etam :
Le groupe Etam a créé le programme We Care en 2018, avec pour objectif de tendre vers une mode plus durable et responsable.
Ce programme se divise en trois grands objectifs :
WE CARE FOR PLANET
Concevoir des produits durables tout en réduisant l’impact de la marque sur l’environnement.WE CARE FOR TRANSPARENCY
Garantir la traçabilité des produits dans le respect des critères sociaux et environnementaux les plus stricts.WE CARE FOR WOMEN
Soutenir les femmes dans tous les moments de leur vie et les accompagner dans leur quête de liberté.
Il repose sur six piliers en lien avec l’activité d’Etam : les produits, le sourcing, la supply chain, les magasins, le marketing et les ressources humaines.
Dans cette newsletter, nous nous intéresserons essentiellement aux deux premiers objectifs en lien avec l’environnement.
La politique RSE d’Etam est-elle en accord avec les défis dont fait face l’industrie de la mode aujourd’hui ?
En premier lieu, nous ne pouvons pas définir Etam comme une marque de slow fashion, puisqu’elle renouvelle constamment ses collections et dispose d’une politique marketing incitant à l’achat.
Bien que souvent critiquées, les marques qui se sont construites sur le modèle de la fast fashion peuvent changer, et ont même un rôle majeur dans la construction d’un nouveau modèle.
Ce sont en effet ces grosses marques - qui disposent de moyens financiers considérables - qui ont le poids nécessaire pour faire pression sur les fournisseurs.
La première étape lors de l’analyse de marque est de vérifier si les actions mises en place sont en adéquation avec les objectifs que s’est fixée la marque.
Dans la majeure partie des cas, vous pouvez trouver ce type d’informations dans un onglet dédié. Ici nommé “WeCare 🍃”.
OBJECTIF 1 : WE CARE FOR THE PLANET :
Concevoir des produits durables tout en réduisant l’impact de la marque sur l’environnement.
Les actions en lien avec la conception de produits durables :
Innovations : utilisation de matières “éco-responsables” certifiées par des labels indépendants GOTS ou GRS pour les matières biologiques ou GRC ou RCS pour les matières recyclés. Innovation produit avec le lancement d’une culotte menstruelle.
Savoir-faire français : la marque dispose d’un centre de recherche et d’innovations basé dans le Nord de la France, à Marcq-en-Baroeul.
Les actions en lien avec la réduction de l’impact de la marque sur l’environnement :
Réduction des plastiques : objectif zéro plastique à usage unique en B2C d’ici 2025. Des pochettes fournies pour les commandes en ligne en kraft recyclé, les sacs en magasin sont en papier certifié FSC mixte, une partie des cintres et utilisé pour le transport et le PVC est supprimé des supports de communication.
Le recyclage des déchets : ventes de totes bags en coton bio réutilisable lors de l’achat en magasin, 87 % des déchets des entrepôts sont recyclés, depuis 2019 les palettes en bois sont récupérés par les fournisseurs afin d'être réutilisées ou recyclées et l’utilisation de papier certifié FSC.
La gestion de la fin de vie des produits : en 2021, Etam a lancé Petit Geste, Jolie Soutien permettant de donner une seconde vie aux soutiens-gorge avec l’installation de bacs de collectes dans les magasins.
Réduction de l’impact du transport : l’utilisation du bateau au lieu des transports routiers : “Aujourd’hui, 83 % de nos marchandises voyagent en bateau”. Des flux directs entre des pays voisins comme l’Asie, le Mexique ou la Thaïlande sont instaurés afin d’éviter le passage sur des plateformes logistiques européennes. Les prestataires de transports sont sélectionnés selon certains critères environnementaux (ceux-ci ne sont pas spécifiés sur le site). Des “challenges énergie” et le partage de bonnes pratiques sont mis en place dans les magasins afin de réduire la consommation d’énergie.
Pour être qualifié de “WE CARE”, les produits Etam doivent répondre à un moins l’un de ces critères définis par la politique RSE :
Mon analyse :
Choisir des matières certifiées par des labels comme GOTS ou GRS est un premier bon point dans l’objectif de concevoir des produits durables. Ces deux labels sont les plus exigeants, car ils interviennent sur toute la chaîne de valeur de la transformation de la fibre jusqu’au produit fini, et vieille à la gestion durable de toute la ligne de production. En revanche, le lancement d’une culotte menstruelle ne représente pas aujourd’hui une réelle innovation. Depuis plusieurs années, ce produit est proposé sur le marché par de nombreuses enseignes et cela ne permet en aucun cas de lutter contre les défis de la mode actuels.
Sur son site internet, Etam promeut un savoir-faire français et des collections Made in France alors qu’il ne dispose que d’un centre de recherche et d’innovation en France, le reste des étapes de productions ne se font donc pas dans l’hexagone.
NB : attention, la mention « Made in France » ne signifie pas que toutes les étapes de fabrication d'un produit ont été réalisées en France, mais qu'au moins une partie significative de la fabrication du produit l'a été. Cela ne garantit donc en aucun cas que le vêtement n’a pas parcouru plusieurs milliers de kilomètres.
La stratégie de réduction d’impact de la marque est quant à elle au-dessus des normes du marché. Etam a en effet développé un plan action global touchant l’ensemble de la chaîne de valeur du produit. La mise en place de flux directs entre pays voisins ou l’utilisation de bateaux permet de réduire en partie l’impact environnemental des transports. En revanche, la gestion de fin des produits avec la mise en place de bacs de collectes n’est pas un argument valable face à la surconsommation.
La définition de produit WE CARE est également trop faible, le critère de sélection étant la validation d’au moins un critère, cela ne permet de vérifier que le produit à un impact écologique ET social positif.
Les actions mises en placent sont en adéquation avec l’objectif WE CARE FOR THE PLANET, mais celui-ci ne réponds en aucun cas aux problématiques de surproduction dont fait face l’industrie de la mode.
OBJECTIF 2 : WE CARE FOR TRANSPARENCY :
Garantir la traçabilité des produits dans le respect des critères sociaux et environnementaux les plus stricts.
Aujourd’hui, la transparence des entreprises de mode est l’un des premiers critères de sélection pour les clients des marques. En effet, un consommateur ayant accès à l’information sur les produits qu’il achète et est capable de faire des choix plus conscients et plus réfléchis.
Les actions en lien avec la traçabilité et la transparence des conditions de production :
Pour cela, Etam propose aux client.e.s des vidéos des ateliers de conception partenaires afin de faire découvrir les coulisses des usines avec lesquelles ils collaborent. Elles sont à retrouver sur les fiches produits du site internet ou en flashant le QR du produit en magasin.
En voici ici un exemple avec le “SUBLIME Soutien-gorge N°4” conçu dans une usine au Bangladesh à Dhaka.
De plus, chaque usine avec laquelle travaille Etam fait régulièrement l'objet d'audits externes et répond à des standards sociaux internationaux reconnus et rigoureux que sont BSCI, SMETA, SA8000 et ICS (99 % des usines ont un certificat de conformité sociale au 31/12/2021).
Ces audits sociaux évaluent entre autres le respect des conditions de travail la santé des travailleurs, la sécurité du lieu de travail, ainsi que l’interdiction du travail des enfants ou encore la non-discrimination. Réalisés maximum tous les deux ans, les audits sont complétés par des formations dispensées aux fournisseurs qui alimentent un processus d’amélioration continue.
Mon analyse :
Ce sont essentiellement des images des ateliers de conception. Mais, avant de concevoir un produit, il faut avoir fabriqué le tissu, le fil, et avoir récolté le coton. Il y a ainsi plusieurs étapes avant les ateliers de confection qui peuvent poser des problèmes sociaux ou environnementaux. Cependant, montrer des images des ateliers de conception est déjà une belle avancée puisque cela permet de sensibiliser les client.e.s sur les besoins humains nécessaires pour produire les vêtements qu’ils achètent. Les audits sociaux réalisés dans 99 % des usines Etam permettent quant à eux de valider les bonnes conditions de travail des ouvriers, mais cela ne concerne pas les usines de sous-traitance.
La communication de la marque, est-elle en adéquation avec la promesse qu’elle propose ? :
Les réseaux sociaux :
Sur l’Instagram de la marque, aucune publication n’explique ses engagements, en revanche, nous retrouvons une story à la une “WE CARE” regroupant les différentes communications sur le programme.
Cette story est complète est partage de nombreuses données sur les projets effectués. On y apprend par exemple que :
100 % des produits dévoilent les coulisses de fabrication.
Aujourd’hui 50 % des collections d’Etam sont éco-responsables. L’objectif d’ici 2025 est d’atteindre les 80 %.
Ainsi, la marque ne communique pas massivement sur ses engagements et parle essentiellement de ses actions déjà mises en place et ses résultats à date.
Les fiches produits sur le site internet :
Il est également renseigné sur les fiches produits le pourcentage de matières responsables. Ici, la robe ILOE PRINT est composée de 100 % de polyester recyclé.
L’explication du procédé de production des matières éco-conçues représente un gage de sincérité quant à la réelle utilisation de ces matières dans les vêtements.
En magasin :
En magasin, le pourcentage de matière responsable est également renseigné. Par exemple, sur ce soutien-gorge l’hang tag1 mentionne "au moins 50 % de polyester de recyclé".
En revanche, sur l’étiquette de composition du produit, il n’est pas renseigné le pourcentage exact de polyester recyclé que contient le produit.
Cela ne nous permet donc pas de vérifier l’exactitude du pourcentage de polyester recyclé composant le produit et donc de la sincérité du message publicitaire mentionné sur la première étiquette. Il n’est pas non plus renseigné les parties du soutien-gorge que cela concerne. Au global, le polyester contenu dans le soutien-gorge est de 80 % pour la bande sous poitrine et 86 % pour la dentelle. 50 % de polyester recyclé représente donc seulement 30 % du polyester contenu dans le produit total.
Conclusion :
La politique RSE “We Care” de la marque Etam représente une vraie volonté de l’entreprise de mieux faire. Cette politique s’articule autour de trois pôles, la transparence étant un des sujets majeurs. La marque présente chacun de ses plans d’actions avec des objectifs concrets et chiffrés lui permettant de mettre en place une feuille de route pour les atteindre. Les actions misent en places pour chacun des pôles sont détaillés et globales, permettant l’atteinte des objectifs du programme. La communication des engagements de la marque est raisonnée et détaillée, mais nécessite plus de clarification sur les produits en magasin (afin d’obtenir plus d’informations n’hésitez pas à directement demander aux vendeurs ou poser des questions sur les réseaux sociaux de la marque). Nous pouvons donc conclure que la marque Etam ne pratique pas de Greenwashing.
En revanche, aujourd’hui Etam avec son programme We Care, ne répond qu’à seulement deux des défis de l’industrie de la mode : L’impact environnemental des transports, et les conditions de travail des ouvriers. Aucune action concrète n’est aujourd’hui mises en place pour lutter contre les problématiques de surconsommation ou de surproduction.
Etam s’étant construite sur le modèle de la fast fashion, l’une des solutions serait de repenser son planning de collection, de produire moins et donc de proposer un nombre réduit de collection par an.
Le mot « hang tag » est composé du mot Hang, qui signifie accrocher, et du mot Tag qui signifie étiquette. On parle souvent aussi d'étiquettes volantes ou d'étiquettes américaines. Il s'agit de supports publicitaires et porte-messages particulièrement pratiques.